ƒ Vive la vie bonne ! | Carnet de vie

Vive la vie bonne !



La presse dominante se moque trop facilement des mises en garde des militants antiproductivistes contre les agressions sensorielles dont nous sommes victimes. Oui, nous sommes des militants de la lenteur ; oui, nous revendiquons le droit à la nuit ; oui, nous pensons que l’on n’accorde pas assez d’importance au « prendre soin ». De plus en plus, nous prévoyons des moments artistiques lors de nos rassemblements militants (chanteurs, musiciens, slameurs, chorégraphes, plasticiens, etc.). Ce choix est politique : mettre en acte la volonté de développer les autres dimensions de nos personnalités pour ne plus subir l’économisme dominant (se vivre uniquement en forçats du travail et de la consommation). Nous pourrions nous moquer de cette attention accordée au sensible, sauf si nous admettons que la société productiviste fait au quotidien l’économie du sensible. Prenons nos objets ordinaires. Songe-t-on assez aux conséquences de nos choix d’écriture ? Que signifie sensoriellement le passage de la plume au stylographe, puis au clavier ? Que signifient aussi ces lycées qui ressemblent à des quartiers de haute sécurité ? Que signifent ces abords de centre-villes pub-tréfiés par l’urbanisme commercial ? Le choix d’une vie bonne, donc simple, est aussi celui d’une vie sensible. 





L’éveil de la sensibilité a besoin de temps, de gratuité, de profondeur : toutes qualités déniées dans un système dirigé par la seule impulsion quantitative. Norbert Elias a montré que le culte de la raison produit une éviction du sujet : il songeait alors notamment à la fin de l’artisanat. On pourrait aujourd’hui parler de la crise de la culture, et en particulier de la poésie. Les antiproductivistes sont fortement engagés dans la défense de la poésie, car l’inexplicable relève nécessairement du poétique. Or, c’est justement cette part humaine la plus profonde qui est aujourd’hui refoulée par le capitalisme. La crise du poétique est donc révélatrice de la guerre souterraine que mène la civilisation du symbole et du chiffre, c’est pourquoi nous devrions accorder de l’importance dans nos messages militants au beau, au poétique, au sensible. Le système d’oppression a pénétré très profondément dans nos imaginaires. Conséquence : ils sont en deuil, qu’il s’agisse de notre imaginaire alimentaire (celui de la malbouffe), ou sexuel (celui des films porno). 
L’imaginaire est toujours lié à une perception du monde, or la perception spontanée dominante est aujourd’hui à la consommation du monde. Le politique n’est plus capable de permettre au poétique de se formaliser sous une forme symbolique : songeons à la disparition des visionnaires et des tribuns, puisque le seul discours autorisé est celui des économistes, des technocrates. Est-il insignifiant que le conseil scientifique d’ATTAC soit impulsé par des économistes, alors que les combattants de Massoud se disaient des poèmes ? A-t-on assez pensé à l’importance de la poésie et des poètes dans la Résistance ? Qui se souvient que c’est le grand poète roumain, Mircéa Dinescu qui a lancé, sur les ondes radiophoniques, l’appel à l’insurrection contre les Ceausescu ? Écoutons ce que nous dit le poètemilitant guadeloupéen Patrick Chamoiseau : le principe d’une poétique, c’est de parier sur les formes invisibles qui se trouvent dans le réel. Cette dimension poétique du vivant, c’est celle des grands mythes, y compris révolutionnaires. Une vie simple, c’est déjà une vie qui rappelle l’urgence et la beauté de vivre. (...)

Responsable rédaction : Paul Ariès









Crédits Photos : Angels - Tree of Life (Film de Terrence Malik, avec Jessica Chastain)

2 Response to Vive la vie bonne !

dimanche, 02 septembre, 2012

Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l'exact périmètre de l'insignifiance : les actualités, les prix, les cours en Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles.
Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux : ce qu'une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions !
Je veux savoir ce qu'ils perçoivent de l'immensité qui bruit autour d'eux. Et j'ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd'hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l'immensité du monde créé.
Mais ce dont j'ai plus peur encore, c'est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre.

mardi, 04 septembre, 2012

Chacun ne comprend le monde et la vie qu'à hauteur de ce qu'il est, en fonction de ses origines, de ses racines, et de ses repères, qu'il choisit comme limite ou juste comme point de départ ou point "d'ancrage" dans son parcours.
D'être de grands "aventuriers" de la vie demande de l'imagination, le sens du risque et la curiosité de l'inconnu. Avoir ce goût finalement appartient aux âmes qui s'accordent le privilège de vivre leur propre vie, libre et en accord avec leur vraie nature. Aimer et honorer la totalité du monde demande de la pureté, de l'humilité et une pleine ouverture du coeur. Etre à l'écoute parfois suffit pour éveiller le goût de vivre chez l'autre.

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