ƒ La joie est la perfection de l'acte même | Carnet de vie

La joie est la perfection de l'acte même



Tous les hommes recherchent la connaissance, la puissance et la joie. Mais la joie est le bien suprême. 

Elle se suffit à elle-même. Elle contient et dépasse la connaissance et la puissance. Elle repousse et oublie les connaissances particulières.  Elle produit une lumière propre qui la justifie. Elle découvre sa vocation à l’être qui l’éprouve. Elle donne un sens à l’univers. 

C’est cet univers qui lui a permis de naître : mais elle l’enveloppe maintenant dans son rayonnement. De même, la joie n’est point un effet de la puissance, ni un témoignage qu’on lui rend ; elle n’en est ni le signe, ni la suite : elle est au-delà. Elle est indifférente à ses succès : elle ne tire aucun avantage ni de son exercice, ne de ses effets. Elle n’a pas d’égard pour ses formes divisées, elle en réalise l’unité ; elle nous donne infiniment plus que chacune d’elles n’avait promis et ne pouvait tenir : elle ne met point sa confiance en elles. Elle les ramasse et surmonte à la fois. 

Il y a en elle une lumière, une aisance, une sérénité qui en se rencontrent dans la puissance et dans la connaissance que lorsqu’elle sont atteint leur objet et par conséquent qu’elle ont fini de s’exercer. C’est dans la joie qu’elles trouvent toutes deux l’aboutissement et le port. Mais elles oublient alors les objets particuliers qu’elles avaient poursuivis et qui n’étaient que les obstacles dont elles devaient triompher. 

La perfection de la joie l’empêche de se laisser emprisonner par aucun objet. Celui-ci serait pour elle non point une raison d’être, mais une limitation. Elle nous unit à un principe capable d’engendrer toutes les vérités particulières, à la source dont dérivent toutes les actions, toutes les victoires et toutes les conquêtes de la puissance. Et même on peut dire que dans la joie le principe de la connaissance s’identifie avec le principe de l’action. De telle sorte que le succès dans l’un ou l’autre de ces deux domaines n’est qu’un moyen pour nous d’aller plus loin.


Louis Lavelle

La présence totale, Aubier, p. 10-11. L'italique est de Lavelle. Second passage, p. 247-248.

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