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Résurrection



-Remettre en cause le paradigme dominant-



Par le capitaine Paul Watson



C’est une loi naturelle qu’à chaque action corresponde une réaction d’égale intensité. C’est vrai aussi pour les réformes sociétales. On ne peut pas espérer changer la société sans susciter de réaction. Agir, c’est pousser les autres à réagir. Si vous n’agissez pas, il n’y aura aucune réaction, mais on ne change pas un paradigme sans agir, et les paradigmes ne changent pas facilement, ni rapidement.



Le paradigme dominant du monde actuel, c’est l’anthropocentrisme. C’est la croyance que le monde réel est centré tout entier autour de l’espèce homo sapiens. C’est sur cette philosophie que se fonde la domination humaine sur la nature et les autres espèces.






C’est une philosophie à la fois arrogante et ignorante, bien qu’il soit difficile de la percevoir ainsi au sein d’une société qui considère sa relation aux autres espèces à partir d’une position de domination totale et complète.

C’est un système de pensée relativement récent, qui s’est imposé au cours des 10000 dernières années contre la vision indigène du biocentrisme, l’idée que les êtres humains font partie d’un tout, qu’ils sont égaux aux autres espèces.



L’anthropocentrisme est un système de croyances puissant, et c’est de fait la religion dominante du genre humain. Toutes les « religions » établies ne sont que des expressions de l’anthropocentrisme, car presque toutes les religions humaines placent l’homme au centre de la création, ou au centre de l’importance, et toutes les religions humaines modernes mettent l’humanité à part du reste du monde vivant.



Pour cette raison, toute remise en cause de la conception du monde dominante va entraîner une réaction, et cette réaction s’exprimera à travers la critique, allant d’exposés académiques oraux ou écrits jusqu’à l’expression orale et physique de la haine, et le degré de cette réaction est déterminé par l’intelligence des individus concernés.

Un défenseur intelligent de l’anthropocentrisme réagira en soutenant sa position par une argumentation raisonnée, alors qu’une personne moins intelligente réagira par des aprioris, de la peur, de la haine et de la colère.

Il est constructif d’entamer un débat avec un contradicteur intelligent, mais on ne gagne rien à débattre avec un contradicteur moins intelligent, ni même à y prêter simplement attention.



Face à ce dernier, réagir serait une perte de temps, et ce n’est pas une nécessité. Lorsque nous remettons en cause le paradigme dominant, nous devons anticiper les réactions, et donc prendre garde aux agressions physiques ou aux agressions qui menacent notre liberté. On peut cependant ignorer et laisser de côté toute rhétorique vide de sens.



Pendant n’importe quelle campagne, les contradicteurs ignorants s’effaceront peu à peu si on ne leur prête pas attention. Les contradicteurs intelligents fourniront un objectif utile pour nous aider à établir un cadre pour la compréhension du biocentrisme parmi la communauté anthropocentriste.



Quant aux aprioris, à la haine et à la colère, ils ne doivent se heurter qu’à un mur de silence.

Si vous remettez en cause le paradigme dominant, vous devez vous attendre à plusieurs types de réactions. La remise en cause entraîne une réaction, mais il n’est pas nécessaire de répondre à cette réaction. Répondre c’est réagir et, c’est par nature une action défensive.


Celui qui plaide pour le biocentrisme doit toujours rester dans l’offensive, il ne doit jamais être sur la défensive, c’est pourquoi il faut obliger les partisans du paradigme dominant à défendre leur système de croyances contre nature. Le paradigme biocentriste n’a aucunement besoin d’être défendu, car il représente l’ordre naturel des choses, régi par les lois de la nature et de l’écologie.


Une des raisons pour laquelle les Verts sont devenus les nouveaux Rouges, c’est que l’écologie et les droits des animaux sont tous deux des valeurs biocentriques extrêmement fortes, acceptées et même adoptées par un nombre croissant de personnes, si bien que, peu à peu, ces deux idées commencent à constituer une menace.



C’est pour cela que ceux qui militent pour l’écologie et les droits des animaux sont considérés comme une menace plus grande que des militants religieux ou politiques.

Un anthropocentriste de religion chrétienne a plus de choses en commun avec l’anthropocentriste de religion musulmane, et donc il le comprend mieux. Ils peuvent se trouver en opposition violente sur les questions théologiques, mais ils partagent un système de valeurs commun. Par contre tous deux considèrent les biocentristes comme une menace contre leurs valeurs communes anthropocentristes.



Et voilà que, étrangement, nous voyons les écologistes considérés comme des pirates, avec Sea Shepherd qui a été cataloguée « pirate » par un tribunal américain pour s’être opposée à la chasse illégale à la baleine, et Greenpeace classée « pirate » par les Russes, pour s’être opposée à la destruction de l’écosystème de l’océan Arctique.

Le paradigme dominant de l’anthropocentrisme décochera ses flèches accusatrices contre les biocentristes, en les qualifiant d’éco-terroristes, activistes, pirates, radicaux, extrémistes.



Peu importe qu’aucune personne n’ait jamais été blessée par un écologiste ou un militant des droits des animaux, ou que ceux qui portent ces accusations soient des promoteurs de la destruction. Au sein d’un système anthropocentrique contrôlé par des médias anthropocentristes, la non-violence est considérée comme de la violence, et la violence est considérée comme de la non-violence. C’est pourquoi une réaction violente aux conceptions adverses, qu’elles soient anthropocentristes ou biocentristes, est toujours justifiée. Les bûchers où l’on brûlait les sorcières en Europe n’ont pas été remis en cause à l’époque, parce que les sorcières, par le simple fait de leur existence, représentaient ce que les anthropocentristes considéraient comme de la violence. Ils scandaient « Ne laissez pas une seule sorcière en vie », car leur simple existence était une menace contre leur conception du monde. La même chose vaut aujourd’hui pour quiconque ose mettre la nature au même niveau que la mythologie dominante de l’humanité.





S’opposer à l’abattage des arbres, à la pêche, à la chasse aux baleines ou aux phoques, aux forages pétroliers, c’est assumer le rôle de sorcières modernes, et provoquer la colère des foules menacées par des idées qu’elles jugent aliénantes.

J’ai lu récemment un éditorial dans un journal australien, le Telegraph, qui accusait Sea Shepherd d’être une organisation violente qu’il fallait « anéantir » et qui disait que les Japonais devraient couler nos navires avec tous ceux qui se trouveraient à bord. Pour quelle raison ? Parce que nous sommes « violents ».

Cette « violence » n’a rien à voir avec le fait de blesser ou de tuer, ni même de nuire à la propriété privée, car personne n’a été blessé et aucune propriété n’a été endommagée. Dans leur esprit, la « violence » c’est simplement la nature de nos pensées et de nos points de vue, la menace que nous créons par la philosophie que nous adoptons.



C’est pourquoi appeler à la mort de militants non violents est considéré comme une position justifiée et socialement acceptable.



Les Russes ont même accusé Greenpeace d’être une menace pour l’écosystème de l’Arctique, parce qu’ils se sont opposés aux forages pétroliers dans l’Arctique.

L’anthropocentrisme peut être défini comme la folie écologique de l’humanité.



Remettre en cause un paradigme sociétal puissant, s’y opposer et le vaincre, cela nécessite une patience phénoménale. Un système de croyances maintenu par une psychose collective de masse est une force sociétale puissante.



Ce qui est extraordinaire, c’est le progrès incroyable fait au cours des quarante dernières années. Il y a quarante ans, personne ne savait ce qu’était un végan, on n’avait jamais entendu parler de réchauffement climatique, et la chasse, la pollution et le déboisement des forêts ne suscitaient aucune controverse.



Nous ne pouvons pas espérer renverser en une nuit les piliers de l’anthropocentrisme, mais nous progressons, et des idées comme l’écologie profonde, les droits des animaux et le statut légal des espaces sauvages sont devenues des idées qui gagnent de plus en plus d’adeptes chaque année.



Les quatre vertus nécessaires pour vaincre le paradigme dominant sont 1 – la Patience, 2 – l’Imagination, 3 – la Passion, 4 – le Courage.



Etre biocentriste, c’est accepter la réalité du continuum de la vie, et l’idée que chacun d’entre nous baigne dans ce continuum pour un temps limité, et que pourtant nous faisons partie d’un tout bien plus grand que nous-mêmes en tant qu’espèce, nous faisons partie d’un réseau complexe de diversité qui permet la perpétuation de la vie sur cette planète.



C’est comprendre que toutes les espèces sont interconnectées, que cette interconnexion est la base de la biodiversité, et que cette biodiversité permet à l’interdépendance de se perpétuer.



Plus cette idée gagnera de terrain, plus l’opposition aux comportements destructeurs anthropocentristes sera forte. De plus en plus de gens se dresseront contre les Goliath de l’apocalypse, ceux qui tirent profit de la destruction. Les partis politiques Verts deviendront plus forts, l’action militante remportera de plus en plus de succès, et les pensées et actions actuellement considérées comme extrémistes deviendront majoritaires.



Je crois au pouvoir des mouvements, et je crois au pouvoir des idées pour donner du pouvoir aux mouvements, et j’ai vu émerger un mouvement puissant au cours des quarante dernières années, qui devient chaque année plus fort, et ce mouvement c’est la résurrection du biocentrisme et l’évolution croissante de la compréhension de l’écologie profonde.







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