C’est une Mandela en jupon, pardon, une Mandela au féminin. Aung San Suu Kyi, cette figure de la résistance à la dictature de la junte en Birmanie, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, mène un combat qui ressemble d’une manière ou d’une autre, à celui de la légende sud-africaine, Nelson Mandela. Son engagement en fait une figure de proue tant elle appartient à une race particulière d’humains, prêts à tout sacrifier pour leur conviction, pour le bien dont ils rêvent pour leur pays.
Eu égard aussi au fait que la chose politique et ce genre de combat avec ses implications attirent peu de femmes dans le monde actuel, l’attitude de cette dame n’en est que plus hardie. Sa silhouette ne court pas les rues comme le diraient certains. En effet, les exemples d’êtres humains, et particulièrement de femmes, de sa taille et de sa trempe, ne sont pas légion dans nos pays en développement surtout où les femmes peinent à se mettre au premier plan et où prévaut la loi des hommes.
Certes, en Afrique, des femmes comme Birtukan Mideksa en Ethiopie et Victoire Ingabire au Rwanda se battent et ont maille à partir avec les pouvoirs en place pour faire triompher leurs opinions. Mais, pour une raison ou une autre, leur combat n’a pas encore atteint les proportions (en tout cas médiatiques) prises par celui de Aung San Suu Kyi. En Amérique latine où les femmes sont très engagées politiquement et ont présidé ou président aux destinées de leurs Etats, elles ont eu, dans l’ensemble, affaire à moins d’adversité, d’inimitié. Une des figures féminines auxquelles l’on peut le plus rapprocher Aung San Suu Kyi est feue Benazir Butho, cette Pakistanaise qui n’avait pas hésité à braver le danger au point de payer, de sa vie, son engagement.
La bataille de la dissidente birmane contre la dictature du trio de généraux qui tiennent d’une main de fer son pays, se fait de façon pacifique. Cela mérite d’être souligné. C’est avec les mains nues qu’elle brave au quotidien le danger, la machine coercitive de la junte. Ce régime birman, dans la forme, ressemble fort à beaucoup de régimes africains d’il y a de cela quelques décennies quand le vent du renouveau démocratique ne soufflait pas encore sur le continent. Absence de liberté, paranoïa au sommet avec tout ce que cela implique comme mesures de bâillonnement, d’embrigadement de toute voix discordante. Aujourd’hui, son pendant est, dans une moindre mesure, le régime nord-coréen. Dans cette Birmanie des généraux, il se passe de temps à autre des élections, mais au regard des conditions qui entourent l’organisation de tels scrutins, c’est peu de dire que la fiabilité du verdict des urnes est sujette à caution. Jusque-là, la junte, fort heureusement d’ailleurs, s’est limitée à la placer en résidence surveillée. Cela est, sans aucun doute, très éprouvant et inacceptable pour elle et les partisans de la démocratie, les défenseurs des droits de l’homme.
Seulement, l’on a presque tendance à ne pas trop s’alarmer de ce traitement quand on sait que sous d’autres cieux, la vie même d’une telle « contestataire » aurait pu être mise en danger par ses contempteurs. En cela aussi, sa situation ressemble à celle de Mandela à cette exception que ce dernier avait, lui, été jeté en prison et pour une plus grande durée. Pourvu que cette sorte de retenue de la junte, qui est peut-être due à la pression de la communauté internationale, perdure tant que durera cette absence de liberté. En effet, la communauté internationale apporte d’une façon ou d’une autre, sa contribution au combat de la brave dame. Ce, à travers les protestations officielles qui fusaient des différentes capitales occidentales au moment de son assignation à résidence. Les sages d’Oslo l’ont également élevée au « panthéon » de l’humanité avec le célebrissime Prix Nobel de la paix qu’ils lui ont décerné en 1991. Sans doute que tout cela donne du tonus et du relief à son combat. La Chine qui reste le principal soutien de la junte devra jouer sa partition pour que les généraux lâchent du lest. A cause de la résistance de ce Nobel de la paix, son pays est très fréquemment sous les feux des projecteurs.
Dans son combat, elle aura beaucoup sacrifié : sa propre liberté, la vie tranquille en exil avec sa famille. C’est une dame presque unique en son genre. Elle est restée constante dans sa lutte pacifique. Sans doute, a-t-elle hérité ce caractère trempé de son père, le général Aung San, héros de l’indépendance birmane assassiné en 1947. Sa grande foi en la démocratie n’a pas pris de ride à l’épreuve de la privation de liberté pendant ces 7 longues dernières années où elle a été assignée à résidence. En effet, cette constance dans la résistance, on la perçoit à travers son appel en faveur de la liberté et l’invite qu’elle a faite le dimanche 14 novembre 2010 à ses partisans dans le sens de la poursuite du combat à la fin de son assignation à résidence. L’étau de la junte n’a donc pas réussi à la détourner de son objectif : contribuer à l’avènement de la liberté dans son pays. C’est sûr que si elle garde le cap, son combat finira, tôt ou tard, par être payé à sa juste valeur : l’avènement d’une véritable gouvernance démocratique dans son pays. Et c’est en portant sur ses épaules, aussi frêles soient-elles, des causes de ce genre que l’on inscrit en lettres d’or son nom dans le grand livre de l’histoire de l’humanité.
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