ƒ Ayons le courage de nos valeurs | Carnet de vie

Ayons le courage de nos valeurs

Il n'est pas un parlementaire qui n'ait publiquement déclaré qu'il était éminemment souhaitable d'élargir la "classe politique" à plus de jeunes, à plus de femmes, à plus de salariés du privé, à plus de français issus de la diversité, etc.

C'est dans cet esprit qu'au mois d'octobre 2009, les adhérents du parti socialiste se sont prononcés à plus de 70 % en faveur du non-cumul des mandats. Pour tous les élus du Parti socialiste, le temps n'est donc plus aux grandes déclarations et aux petits calculs, mais à l'action. Nous sommes aujourd'hui au pied du mur, nous devons avoir le courage de nos valeurs.


Disons-le sans détour, la mise en œuvre du non-cumul des mandats est, pour la gauche, une obligation, parce qu'il y va de ses valeurs fondatrices : l'égalité et la liberté de tous les citoyens. La liberté socialiste, c'est celle d'un homme ou d'une femme qui accroît sa force individuelle dans et par sa relation aux autres. Et pour que la liberté des uns ne s'épanouisse pas au détriment de celle des autres, comme cela est le cas dans la société de marché que promeut l'actuel gouvernement, les socialistes ont toujours lutté pour que les biens qui permettent à chacun de vivre de manière digne et autonome soient justement partagés. Parce qu'il n'y a pas de liberté pour ceux qui sont maintenus dans l'ignorance, les socialistes ont lutté pour le partage du savoir. Parce qu'il n'y a pas de liberté pour ceux qui vivent dans la misère, les socialistes ont lutté pour le partage des richesses. Parce qu'il n'y pas de liberté pour ceux qui vivent dans la peur du lendemain, les socialistes ont lutté pour la sécurité sociale. Parce qu'il n'y a pas de liberté pour ceux qui vivent sous l'autorité arbitraire d'un autre, les socialistes ont lutté pour le droit du travail et pour le droit des femmes.


COMME LA RICHESSE, LE POUVOIR DOIT ÊTRE PARTAGÉ

C'est pour cela qu'aujourd'hui, les socialistes doivent lutter pour le partage du pouvoir politique : parce qu'il n'y a pas de véritable liberté, pour tous ceux qui ne peuvent pas prendre activement part à la réflexion et à la décision politique. Comment pourrions-nous militer depuis toujours pour que le savoir ne soit pas l'apanage d'une élite, pour que la richesse ne soit pas concentrée dans les mains de quelques-uns, pour que l'autorité au sein de la famille ne soit pas le seul fait du père et accepter en même temps que le pouvoir politique soit la propriété monopolistique de quelques-uns. Un socialisme cohérent a le devoir de faire en sorte que tous les biens nécessaires à la liberté individuelle deviennent progressivement des biens sociaux, des biens auxquels le plus grand nombre puisse avoir part. S'il est fidèle à ses valeurs, le Parti socialiste doit donc défendre une doctrine générale du partage du pouvoir. Dans cet esprit, si on veut sincèrement, réellement, élargir la représentation politique, alors c'est arithmétique, il faut en finir avec le cumul systématique des mandats qui gangrène notre démocratie.


LE POUVOIR POLITIQUE EST UNE RESPONSABILITÉ QUI DEMANDE DU TEMPS

C'est dans cette perspective qu'il faut envisager la question du non-cumul des mandats. Qu'est-ce que la démocratie ? Un régime politique dans lequel, comme le dit Claude Lefort, le pouvoir est un lieu vide. En démocratie, aucun homme ne fait corps avec le pouvoir. Les hommes politiques ne sont pas le pouvoir, ils ne l'ont pas non plus, ils l'exercent. Un mandat n'est pas une charge, c'est un exercice, un travail que l'on doit accomplir au jour le jour de la manière la plus consciencieuse possible. Et chacun le sait, pour bien faire un travail que l'on a sollicité et qui nous a été confié, il faut d'abord le faire soi-même et non le faire faire. Le travail de parlementaire est un travail à plein temps qui demande de la disponibilité intellectuelle et personnelle entre la part de "terrain" où l'on confronte nos réflexions avec la réalité et le travail à l'Assemblée nationale. Exercer un pouvoir politique, ce n'est pas simplement prendre des décisions préparées par d'autres (des conseillers de toutes sortes), c'est prendre le temps de s'informer, prendre le temps de la réflexion ; et quand la décision a été prise, prendre encore le temps d'en rendre compte et de l'expliquer. Tous ces temps demandent du temps et le temps n'est pas extensible. Et parce que tous les mandats, quels qu'ils soient, exigent le respect de tous ces temps, le cumul des mandats ne peut être que l'ennemi d'un bon exercice de la responsabilité politique. Notre conviction c'est que l'action politique, si souvent décriée par nos concitoyens, a tout à gagner à la limitation du cumul des mandats.


DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL ET DE L'INTÉRÊT LOCAL

Mais il y a plus important encore. Lorsqu'il y a cumul des mandats, inévitablement surgissent des conflits d'intérêt. Un parlementaire est là pour légiférer. Et quand on légifère, on doit toujours se placer du point de vue de l'intérêt général. Or, nul ne contestera qu'un député-maire, ici, ou un sénateur président de région, là, dans son rôle de législateur aura toujours en tête une grille de lecture qui le conduira à faire la loi l'œil rivé sur l'intérêt particulier de son territoire. Là n'est pas la définition de l'intérêt général. Une circonscription, ce n'est pas un fief dont le député aurait la charge de défendre les intérêts particuliers, c'est un territoire qui récapitule l'ensemble des dimensions de la nation (communes, intercommunalités, départements, régions), une petite France en quelque sorte, au contact de laquelle il peut appréhender concrètement les problèmes des français. L'ancrage dans un territoire, c'est ce qui évite à un parlementaire de porter un regard abstrait, distant, sur les problèmes des français. Mais quand il y a cumul des mandats, cet ancrage menace toujours de lui faire appréhender les problèmes de façon partielle et partiale.

Parce que des élus plus nombreux seront plus représentatifs ; parce que des élus plus disponibles seront plus responsables ; parce que des élus recentrés sur leur fonction propre (gouvernement d'une collectivité locale pour les uns, définition de l'intérêt général pour les autres) seront plus justes et plus efficaces, le non-cumul des mandats constitue un progrès démocratique majeur. Dans leur grande sagesse, les adhérents du Parti socialiste nous ont demandé de le faire. Mais au-delà, les hommes et les femmes de gauche et, plus généralement, tous les démocrates, le demandent. Pour nous, socialistes, il ne s'agit donc pas d'une option stratégique, mais d'une exigence morale et politique. Le courage, disait Vladimir Jankélévitch, ne consiste pas à savoir saisir les occasions (cela c'est être malin ou opportuniste), il consiste plutôt à créer les occasions.

Alors, sans plus attendre, ayons le courage de nos valeurs, ayons le courage de l'intérêt général plutôt que la prudence de l'intérêt partisan, mettons en application le non-cumul des mandats. Dans les temps difficiles que nous traversons, il n'y a qu'à cette condition qu'en 2012 nous pourrons reconquérir la confiance des français.

Laurence Dumont, députée socialiste du Calvados et Emmanuel Jardin, professeure de philosophie
Sur JANKELEVITCH dans l'émission Apostrophe:
Bernard PIVOT reçoit Vladimir JANKELEVITCH pour son dernier ouvrage "Le je ne sais quoi et le presque rien", François GEORGE auteur de "L'effet 'Yau de Poêle de Lacan et les lacaniens" et de "Pour un ultime hommage au camarade Staline", et Blandine BARRET KRIEGEL pour "L'état et les esclaves". Ces deux auteurs sont des anciens étudiants de Vladimir JANKELEVITCH et disent ce que leur a apporté son enseignement.
Les différents sujets abordés sont : à quoi servent les philosophes et la philosophie, l'engagement à gauche de JANKELEVITCH, son enseignement, la guerre et sa décision de ne plus étudier les philosophes allemands, sa morale "ne manquez pas votre matinée de printemps", son dernier livre en trois volumes "Le je ne sais quoi et le presque rien" et ses développements sur le charme, la beauté, l'amour, la joie, la mort. François GEORGE publie un livre dans lesquels il règle ses comptes avec Staline et les staliniens, et un deuxième avec lequel il a voulu, à sa manière très ironique, servir la cause de LACAN et des lacaniens, dit-il.
Blandine BARRET KRIEGEL dit ce que sont des états de droit. Vladimir JANKELEVITCH parle de ses goûts :"la musique, le vaudeville, Feydeau l'animent".



Jankelevitch - Le Je-ne-sais-quoi Et Le Presque-rien Vol 2

Jankelevitch - Le Je-ne-sais-quoi Et Le Presque-rien Vol 3

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