Vertus de la connaissance
La connaissance est le propre de l’homme : elle le divinise. Elle le met en rapport avec ce qui le dépasse. En l’arrachant à lui-même, elle ne cesse de l’enrichir. Elle l’élève de l’existence momentanée, qui est celle du corps, à l’existence éternelle, qui est celle des idées.
Mais le zèle dont l’amour -propre s’enflamme pour elle lui donne un éclat trop vif qui est un effet de la convoitise plutôt que de la lumière. Or la connaissance, qui nous met en présence du Tout, doit abolir l’amour -propre au lieu de le servir ; elle a le désintéressement pour essence. Pourtant, elle agrandit le moi à sa mesure, bien qu’en l’éloignant toujours de lui -même. Il y a une proportion entre l’esprit qui connaît et la connaissance qu’il a réussi à acquérir. Mais, si l’on peut dire que tant vaut l’esprit tant vaut la connaissance qu’il se donne, il faut dire aussi l’inverse.
Il n’y a pas d’autre possession que celle que la connaissance nous apporte : elle est la possession tout intérieure et personnelle de ce qui est au-delà du moi et que le moi parvient pourtant à embrasser et à contenir. Il est également vrai que, dans la connaissance, l’esprit sort de lui-même pour se rendre le monde même présent et qu’il rentre en lui-même et y fait rentrer le monde. La connaissance est bien une sorte de frontière entre le moi et le monde, mais qui permet entre eux toutes les communications et tous les échanges.
Elle n’est d’abord qu’un spectacle que nous nous donnons à nous-même mais dans ce spectacle viennent se croiser tous les chemins de la volonté et du désir. Elle est le terme de toute activité : et même quand elle paraît n’être qu’un moyen à son service, c’est que cette activité cherche seulement à l’étendre.
L ’homme proteste toujours contre le commandement par lequel on tente d’enchaîner sa volonté : il met en doute sa valeur et soupçonne toujours en lui quelque dessein de l’intérêt. Il ne veut agir que dans la connaissance et il voudrait que la connaissance fût suffisante pour le faire agir.
Mais de quoi y a-t-il connaissance ? Il serait contradictoire qu’il pût y avoir connaissance de soi, c’est -à-dire de cette possibilité de connaître qui ne se réalise que par la connaissance de ce qui n’est pas soi. Toute connaissance est donc connaissance d’un objet et, comme telle, est incapable de nous contenter : elle n’est qu’une image frivole qui n’intéresse que notre curiosité.
Mais l’objet peut acquérir une signification s’il devient un instrument de médiation entre moi et vous, si nous pénétrons grâce à lui dans un monde où nous ne sommes plus seuls, où la rencontre d’un moi qui n’est pas le mien, illumine tout à coup mon propre moi dans un monde spirituel dont on peut dire à la fois qu’il nous dépasse et qu’il nous est commun. Alors, la connaissance, qui n’est jamais que relative, est devenue le chemin d’une révélation qui, elle, est absolue.
Mais l’objet peut acquérir une signification s’il devient un instrument de médiation entre moi et vous, si nous pénétrons grâce à lui dans un monde où nous ne sommes plus seuls, où la rencontre d’un moi qui n’est pas le mien, illumine tout à coup mon propre moi dans un monde spirituel dont on peut dire à la fois qu’il nous dépasse et qu’il nous est commun. Alors, la connaissance, qui n’est jamais que relative, est devenue le chemin d’une révélation qui, elle, est absolue.
LOUIS LAVELLE — L’erreur de Narcisse
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